L’édito hebdomadaire de notre tiers lieu citoyen et apolitique que j’ai rédigé dans un contexte particulier. Un grand merci à ceux que j’ai plaisir à lire et qui nourrissent ma pensée avec des mots justes dont j’ai pu m’inspirer.
A BVBR ( Bien Vivre en Bretagne Romantique) nous avons pour principe de mettre en avant ce que nous avons en commun: notre milieu de vie, le souci de sa qualité et du lien social que l’on y créé, avant nos idées qui, elles, divisent. Pour autant, en ce moment, il est difficile d’ignorer l’actualité et faire comme s’il ne se passait rien, tant cela concerne la perspective d’entrer en territoire inconnu où règne un climat difficilement compatible avec l’entraide, la solidarité et le partage. D’une certaine manière, cela reste toutefois bien une histoire de climat et de territoire.
La preuve, c’est que le début de l’été est à la peine: les effets du climat bouleversé nous font entrer en Terre Inconnue: tempêtes, vents, foudre, inondations, sécheresses, crues, pluies diluviennes, neige… Malgré sa taille relativement modeste, notre pays accueille toutes les nuances météo et sa cohorte de désagréments qui font suite à un printemps tout aussi perturbé.
Un contexte climatique un peu à l’image chaotique de l’actualité de plusieurs endroits où le monde change ces derniers mois: Trump, Poutine, Bolsonaro, Milei, Xi Jinping, Orban, Loukachenko, Kadyrov, Kim Jong Un et tant d’autres aujourd’hui font la part belle aux populismes, nationalismes, religions fantasmées, idées si courtes qu’elles tiennent dans un Tweet, invectives, violences physiques, sociales, armées, menaces. La Terre brûle, les grandes migrations climatiques sont à venir, des dizaines de milliers d’enfants meurent en Méditerranée, chacun le sait, chacun détourne le regard. Le monde change.
Et notre pays ne fait pas exception, puisqu’il semble prêt lui aussi à explorer des « Terres inconnues » avec les mêmes ambiances inhospitalières des apprentis sorciers du climat cités plus haut.
Nul doute que le message envoyé par la déroute totale de ceux qui ont gouverné par le passé est le désir d’un nouveau récit qui nourrisse et réenchante tout à la fois les imaginaires collectifs et individuels. Ce désir de nouveau récit est particulièrement fort dans les campagnes: la ruralité est la grande oubliée des politiques publiques de ces dernières années et a trop souvent servi de simple faire valoir exotique ou de marche-pied à des ambitieux tentés par un destin national. Plusieurs voix commencent à s’élever pour dire que c’est pourtant là que s’exprime le meilleur des solidarités, là que se construisent les résiliences les plus efficaces, les innovations les plus audacieuses. Mais c’est également là que se subissent les angoisses les plus fortes face aux bouleversements climatiques, économiques, sociaux et sociétaux qui perturbent considérablement nos modes de vie.
S’il y a bien une chose dont nous sommes sûrs et sur lequel nous pouvons nous appuyer, c’est la capacité de nos milieux de vie à nous nourrir, nous évader, nous divertir, nous abriter. Le réseau associatif maintient du lien à travers ses manifestations festives, culinaires, culturelles, braderies et autres.
Une amie l’autre jour cherchait un mot intermédiaire entre misanthrope et philanthrope qui permettait de dire que l’on aime toujours l’espèce humaine malgré ses égarements. Nous n’avons pas encore trouvé ce mot, alors même que ce sentiment existe. Il devient urgent de pouvoir le nommer et inventer ce mot, avant que les dernières digues qui retiennent notre humanité ne cèdent.